Depuis l’entrée en vigueur du carnet de vaccination, les récalcitrants au vaccin contre le Covid-19 ne se retrouvent plus dans les bars, restaurants et cinémas. Autant d’endroits où ils ne peuvent plus fixer de rendez-vous romantiques. Sur les applications de rencontres, de plus en plus d’utilisateurs publient leur statut vaccinal. Comment la pandémie a-t-elle bouleversé leurs habitudes amoureuses ? France 24 a interrogé plusieurs internautes français.
La vaccination contre le Covid-19 s’immisce jusque dans l’intimité du choix amoureux. En Suisse, une application de rencontres propose désormais aux célibataires non vaccinés de se rencontrer uniquement entre eux. Le site revendique 12 000 utilisateurs en Europe, notamment en Allemagne.
Il n’existe actuellement pas d’équivalent en France, mais certaines plateformes se sont adaptées à la situation sanitaire. L’un des géants mondiaux du secteur, Tinder, propose depuis l’été dernier l’affichage d’un médaillon « vacciné » ou « bientôt vacciné » sur le profil des utilisateurs qui le souhaitent.
Mentionner son statut vaccinal sur un site de rencontre ? Salomé, 24 ans, refuse. « C’est une information médicale, je trouve ça bizarre de l’inclure dans une application de rencontre ». Pourtant, indique la jeune femme triple vaccinée, le Covid-19 ralentit ses rencontres amoureuses. « C’est plus compliqué de ‘dater’ (avoir des rendez-vous, de l’anglais « date », NDLR) en ce moment. type de le prendre à la légère et de transmettre le coronavirus quand il l’a attrapé. »
Le vaccin s’est imposé dans les profils et les discussions
« Poser la question du vaccin, il faut avouer que ça casse le charme », lance cet utilisateur de Froots, qui a rendez-vous avec un homme dans quelques jours. « Je n’osais pas lui demander. Quand je ‘sorte’ avec quelqu’un, c’est pour donner vie à ma vie, pas pour penser à la maladie ».
Paradoxalement, pour Ben Puygrenier, porte-parole de Tinder France contacté par France 24, l’affichage d’un médaillon attestant d’une vaccination « enlève un peu de lourdeur sur cette pandémie qui reste lourde pour tout le monde, surtout quand on ‘sort’ avec quelqu’un ».
Si l’entreprise a choisi de proposer cette option, c’est aussi parce que ses équipes ont constaté que « de nombreux membres de la plateforme partageaient leur statut vaccinal dans leur biographie ». Selon Tinder, depuis décembre 2020, la vaccination est devenue un sujet de discussion incontournable entre utilisateurs. Le terme « vaccin » a augmenté de 149 % en six mois (entre décembre 2020 et juin 2021), précise l’entreprise
L’entreprise américaine n’est pas la seule plateforme du secteur à faire ce constat. Toujours chez Meetic, le géant français des sites de rencontres aux plus de 10 millions de visites par mois, le vaccin s’est aussi invité dans les profils des utilisateurs. Quelque 32% des inscrits avaient déjà fourni leur statut vaccinal, selon une étude interne réalisée en août 2021, et un utilisateur sur deux s’appuyait sur le vaccin pour rencontrer des gens, contre seulement 18% en février 2021.
« Pas de restaurant, bar ou cinéma avec un non-vacciné »
L’entrée en vigueur du carnet de vaccination le 24 janvier a encore changé la donne. « Pas de restaurant, de bar ou de cinéma avec une personne non vaccinée, ça va devenir assez limité pour les ‘dates’… », souligne Salomé. « La seule alternative en plein hiver reste de se voir en appartement. Par précaution, peu de filles acceptent d’aller chez un homme qu’elles ne connaissent pas pour le premier rendez-vous, ce qui est mon cas. Cela réduira le nombre de ‘rendez-vous’ pour ces hommes non vaccinés », conclut-elle.
Adèle, 34 ans, fait partie des 20% de Français qui n’ont toujours pas reçu une dose du vaccin anti-Covid. « Je n’ai jamais eu de déception sur les applications », confie celui qui utilise régulièrement Adopte et Tinder. Elle remarque juste que le Covid-19 a changé sa façon d’aborder les rencontres amoureuses. « Pendant le confinement, les applis étaient le seul moyen de rencontrer quelqu’un, alors qu’avant je connaissais des gens quand je sortais danser une fois par mois et chez des amis. Voir des hommes pendant le confinement m’a permis de garder ce lien social. Comme tout était fermé, on se retrouvait chez l’un ou l’autre, malgré les couvre-feux. D’habitude, sur les candidatures, je passais par l’étape du verre ou du cinéma. L’habitude de sauter cette étape m’est restée. Depuis le Covid, le ‘ dates’ sont devenus directement plus sérieux ».
Son « match » idéal ? Pas forcément anti-vax, explique-t-elle. « Je trouve l’approche de l’application suisse trop communautaire. Je peux discuter librement avec quelqu’un qui n’a pas le même avis, c’est dommage de s’arrêter là », regrette Adèle.
En France, le carnet de vaccination est accordé aux personnes ayant attrapé le coronavirus il y a moins de six mois. Détentrice du fameux sésame depuis encore quelques mois, après avoir contracté le Covid-19 via un amoureux rencontré sur une application, Adèle s’interroge pour l’avenir. « Ce sera probablement plus facile de sortir avec des gens qui n’ont pas de laissez-passer. » En attendant, explique-t-elle, « si quelqu’un poste le badge ‘vacciné’ et que ça me plaît, je vais aller voir son profil en détail. Si je vois qu’il s’en prend particulièrement aux personnes qui ne le sont pas – vacciné, je ne continuerai pas ».