Cerveaux masculin et féminin : quelles différences ?

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 Les différences fondamentales qui séparent les deux sexes

Aujourd’hui, la différence entre l’homme et la femme est une réalité indéniable. Pour autant, elle ne semble pas aussi grande qu’on l’imaginait il y a quelques années. Orientation dans l’espace, aptitudes aux langages, performances en mathématiques, émotivité, etc. La liste est longue de ces prétendues disparités entre les sexes, érigées par certains en arguments irréfutables contre l’égalité homme-femme. Ces différences ont-elles été prouvées ? Les femmes sont-elles vraiment plus émotives que les hommes ? Les hommes sont-ils plus doués en maths que les femmes ? A quoi ces différences sont-elles liées ?

L’importance du chromosome Y

Fondamentalement, qu’est-ce qui différencie un organisme masculin d’un organisme féminin ? C’est en 1959 qu’on a enfin pu apporter un élément de réponse à cette question1. Les chercheurs découvrent alors que sur les 46 chromosomes que contiennent chaque cellule, deux d’entre eux sont spécifiquement liés au sexe de l’individu. Ce sont les fameux chromosomes X et Y. L’idée est simple : les hommes présentent un chromosome Y et un chromosome X, alors que les femelles présentent deux chromosomes X. C’est précisément ce chromosome Y qui entraîne le déterminisme sexuel par un mécanisme encore mal connu. Durant les premiers temps de la vie embryonnaire (6 à 7 semaines), le fœtus est totalement indifférencié : il n’a ni testicules ni ovaires mais de simples gonades. Par la suite, sous l’action de gènes appartenant aux chromosomes sexuels (notamment le gène SRY), ces gonades se différencient en organes génitaux masculins ou féminins. Quels sont les signaux qui permettent un tel mécanisme ? Les recherches mises en œuvre pour les trouver n’ont toujours pas abouti…

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Des différences physiologiques et anatomiques

Bien évidemment, les différences entre hommes et femmes ne s’arrêtent pas au stade moléculaire. Une fois différencié, l’appareil génital va produire les hormones caractéristiques à chaque sexe, même si les hommes et les femmes produisent également des hormones caractéristiques du sexe opposés  en quantité bien moindre. Ainsi, la femme a un taux plus élevé d’œstrogènes alors que l’homme a un taux plus élevé d’androgènes (testostérone). Ces hormones vont induire des différences sexuelles anatomiques dès la naissance, mais aussi, et surtout, à la puberté : pilosité, ossature, développement mammaire, voix, musculature… Ces différences physiques sont indéniables, mais qu’en est-il du cerveau ? Il est bien plus difficile de mettre en lumière les différences à l’intérieur de cet organe si particulier. Pourtant de nombreuses études s’y sont attelées. Dès le XIXème siècle, les chercheurs tentent de démontrer la supériorité du cerveau masculin en comparant les tailles de cerveaux de cadavres féminins et masculins. Paul Broca, célèbre anatomiste, calcula une différence de 181 g entre les le poids moyen des cerveaux des hommes (1325 g) et celui des femmes (1144 g). Ce simple constat lui permet de valider une thèse couramment admise : « la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle », déclare-t-il à l’issue de ses travaux. Depuis, la relation entre taille du cerveau et intelligence a évidemment été démentie. Des exemples fameux concernent les cerveaux des deux écrivains Anatole France et Yvan Tourgueniev. Le premier pesait 1 kg alors que le second avoisinait les 2 kg !

Des divergences cérébrales

Il existe bien des différences au sein des cerveaux masculins et féminins sur le plan biologique, et elles sont logiques. Les hormones sexuelles (spécifiques selon le sexe) sécrétées par les organes reproducteurs, pénètrent dans le cerveau et vont influencer la formation de circuits de neurones. Or, puisque les hormones sont différentes, on dit du cerveau qu’il est « sexuée ». Ainsi, chez la femme, les neurones de l’hypothalamus (une structure du système nerveux central) s’activent périodiquement pour déclencher l’ovulation, ce qui n’est pas le cas chez l’homme. Il existe donc des différences induites par l’imprégnation hormonale. Pour le reste, il semblerait que seuls l’environnement et l’apprentissage puissent modifier la structure de cet organe. «  Il n’y a pas de différence anatomique entre les cerveaux des fœtus filles et garçons, avance Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l’Institut Pasteur. Les gènes qui permettent de construire les hémisphères cérébraux, le cervelet et le tronc cérébral sont en effet indépendants des chromosomes X et Y. Le schéma structurel est donc exactement le même. »

Qu’en est-il donc des prédispositions supposées des hommes à comprendre les mathématiques ? Et celles des femmes à maîtriser davantage les sciences du langage ?

 Les différences de performances entre les sexes sont-elles des idées reçues ?

Pourquoi les hommes sont-ils meilleurs dans les matières scientifiques ? Pourquoi les femmes peuvent faire plusieurs choses en même temps ? Ces questions peuvent prêter à sourire, mais elles sont régulièrement posées par les médias, perpétuant ainsi des clichés tenaces dans les mémoires collectives. On s’aperçoit pourtant, en épluchant les études consacrées au sujet, qu’elles sont très loin de faire l’unanimité.

Un lien entre le sexe et les fonctions cognitives ?

La femme est souvent présentée comme ayant plus d’aptitudes aux langages. Cette affirmation provient de la conclusion d’une étude datant de 1995 et qui utilisait la technique de l’IRM (Imagerie cérébrale par résonance magnétique). L’expérience reposait sur la comparaison de l’activité cérébrale de 19 femmes et 19 hommes durant un test de langage. Les résultats ont montré que les hommes utilisaient tous l’hémisphère gauche, alors que 11 des femmes utilisaient les deux hémisphères. Un constat suffisant pour bâtir des conclusions sur l’utilisation optimale du cerveau féminin dans ce genre d’exercice. Intrigués, d’autres équipes de recherche ont souhaité aller plus loin. Un bilan de ces travaux a été publié en 2008 : d’après une trentaine d’études comparant des centaines d’hommes et femmes, il n’y a aucune différence statistique dans la répartition des aires du langage. Une nouvelle étude plus récente a également conclu en ce sens.

Le même constat peut être établi en ce qui concerne la capacité des femmes à effectuer plusieurs tâches en même temps. Cette séduisante théorie a vu le jour en 1982, lorsque des anatomistes avaient observé que le faisceau de fibres qui relient les deux hémisphères était plus large chez la femme. Il faut noter que cette étude, dont la portée médiatique fut sans précédente, portait sur 20 cerveaux seulement et qui plus est, conservés dans le formaldéhyde. Depuis, les méthodes de mesure ont beaucoup  évoluées et de nombreux travaux ont montré que cette conclusion était largement erronée.

Même en ce qui concerne les capacités d’orientation, les études sont très contrastées. Alors qu’il est de bon ton de croire que l’homme est bien supérieur dans ce domaine, les études récentes n’accréditent pas cette thèse très ancrée dans les consciences. Une publication datant de 2000 et portant sur 12 sujets avait certes démontré que les hommes se repéraient mieux dans un labyrinthe virtuel rectangulaire. Trois ans plus tard, cependant, une équipe de chercheurs avait infirmé cette conclusion en utilisant cette fois un labyrinthe circulaire. Enfin, une dernière étude concernant les stratégies d’orientation dans l’espace réel, a abondé dans ce sens.

Pourquoi on veut y croire ?

Bien que très anciennes pour la plupart, les rares études ayant conclu à un lien entre le sexe et les fonctions cognitives, restent celles dont on se souvient le plus. Pourquoi ? L’une des premières clés de cette anomalie réside dans le fait que leurs conclusions sont en adéquation avec notre conception culturelle du monde. Les femmes manquent dans le domaine de l’aviation ? Ne cherchez plus pourquoi, une étude a montré qu’elles n’avaient pas le sens de l’orientation. De plus, les études montrant des différences entre les sexes sont facilement publiables, contrairement à celles qui n’en montrent pas. Les résultats négatifs dans les titres de publications sont très mal vus et ne sont pas toujours considérés comme de vraies avancées.

Si on se désintéresse de cette comparaison entre l’homme et la femme, on s’aperçoit qu’il existe de nombreux travaux sur la variabilité des cerveaux entre les individus d’un même sexe. Ces différences sont tellement grandes qu’il est impossible (et illusoire) de dégager des caractéristiques propres à un cerveau masculin ou féminin. D’où vient cette variabilité physiologique ? Résulte-t-elle de la variabilité génétique ou … de l’environnement ?

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