« Je préfère aller en taule plutôt qu’en Ukraine » : en Russie, le choc de la mobilisation militaire

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Il s’agit d’une simple conversation d’habitants d’une petite ville de la région de Moscou – quelques dizaines de personnes, majoritairement des femmes, habituées à discuter sur la messagerie WhatsApp. D’habitude, on discute de tout et de rien, de l’état des potagers, des nuisances causées par les chiens errants, des confitures qu’on veut échanger, du prix des services communaux.

Surtout, pas de politique : une question de mœurs, dans une Russie où le sujet se cantonne, au mieux, aux cuisines, et où le débat public est un terrain perçu comme non seulement dangereux, mais aussi répugnant, en proie à la corruption et à la violence.

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A peine quelques minutes après le discours de Vladimir Poutine à la nation mercredi 21 septembre, cette règle élémentaire de prudence et de politesse est tombée dans l’oubli. D’abord, un simple lien vers un site d’information est publié : « Vladimir Poutine a signé l’ukase ordonnant la mobilisation partielle pour l’Ukraine. » Une femme se lance, la première. Avec pour seule arme une ironie teintée d’amertume : « Comment va la mobilisation ? Alors qu’il n’y a même pas la guerre ! Ou est-ce comme avec la pandémie, un jour oui, un jour non ? Et nous payons tous les jours… »

Les vannes sont ouvertes, un flot d’émotions et d’inquiétudes se déverse soudainement :

« Vous ne lisez pas les nouvelles ? Tout était prévu hier. Refuser la mobilisation est désormais une infraction pénale.

– Je préfère quand même faire la prison, au moins tu as une chance de survivre.

– D’autant plus qu’ils viennent de vider les prisons pour envoyer les prisonniers au combat… »

« Arrêtez de répandre la panique »
Ils disent que les Russes sont mal informés ; mais l’utilisation des détenus, soigneusement dissimulée, n’est qu’un secret de polichinelle. On dit qu’ils sont apathiques; jusqu’à un certain point, où ils ne sont pas directement concernés, voire menacés. C’est tout le risque politique qui sous-tend la mobilisation, même « partielle », décrétée par Vladimir Poutine.

« Tu sais, je ne suis pas d’accord. Pourquoi nos hommes devraient-ils aller défendre les maisons et les terres de ceux qui les ont abandonnés ? Des maris et des fils, des enfants qui n’ont encore rien vu de la vie, vont mourir parce que les politiciens l’ont décidé.

– Se défendre contre qui ? Quelqu’un nous a attaqué ? Quelqu’un nous menace ? Laissez-moi rire.

– Riez mais c’est aussi notre terre, l’Ukraine ! Si nous avions été moins faibles il y a huit ans, nous aurions déjà détruit toute cette vermine.

– Cela durera pour toujours. Avec ces gens qui nous gouvernent, ceux que nous n’avons pas le droit de critiquer…

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