Les archetiers craignent l’interdiction du bois de pernambouc

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« Vers la quasi-extinction de l’archèterie ? » C’est la question alarmiste posée par six syndicats de professionnels de la musique, dans un communiqué commun publié lundi. Le Brésil propose un amendement visant à interdire toute circulation et commerce international du pernambouc : un arbre endémique, qui pousse exclusivement dans la forêt tropicale atlantique brésilienne, dont le bois sert à fabriquer des arcs. Arguments mis en avant : lutter pour la préservation de l’espèce, et surtout, contre la contrebande et le commerce illégal du bois de pernambouc qui s’est développé ces dernières années. Mais les archetiers – 109 en France, entre 600 et 800 dans le monde – craignent pour l’avenir de leur métier.

Toute une culture musicale « basée sur le Pernambouc »
D’autres matériaux peuvent être utilisés, comme les fibres de carbone composites, « mais la richesse du pernambouc en termes de production sonore est irremplaçable. Un archet fabriqué dans un autre matériau n’a pas les mêmes qualités acoustiques » explique Arthur Dubroca, archetier depuis 1996, basé dans le 17e arrondissement de Paris, pour qui c’est aussi une question de « confort de jeu » : « A partir du moment où on utilise un bois qui n’est pas du pernambouc, on modifie le timbre, la réactivité du manche, les articulations… »

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Sans parler de la pérennité menacée, selon lui, d’une « culture de la musique » et d’un « patrimoine immatériel ». « Nous utilisons le pernambouc pour fabriquer des arcs depuis la fin du XVIIIe siècle. Toute la culture musicale des violonistes, altistes, violoncellistes et contrebassistes, la culture du quatuor, repose sur l’usage du pernambouc » observe l’archetier. « L’archet moderne que nous connaissons, celui de tous nos musiciens, dans tous nos orchestres, a été conçu par François Xavier Tourte, un archetier français de la toute fin du XVIIIe siècle, précisément autour du pernambouc » souligne pour sa part Fanny Reyre Ménard , luthier, membre du bureau de la Chambre Syndicale de la Manufacture Instrumentale (CSFI). « L’interdiction affecterait directement l’activité de nos fabuleux archetiers français, qui fabriquent de si beaux archets depuis maintenant plus de 200 ans. »

Outre les artisans, les musiciens pouvaient aussi être gênés dans leurs déplacements professionnels. Car, si la décision est entérinée en novembre lors de la 19e CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), une obligation de permis s’appliquera en même temps pour chaque circulation d’arc. « Cela nécessitera une autorisation pour chaque arc, chaque circulation, sachant que la législation de l’Union européenne va se superposer aux exigences de la Cites », prévient Fanny Reyre Ménard : « Là, je ne vois même pas comment les services administratifs en charge de la délivrance des permis pourraient s’en sortir ». les volumes demandés.

Un commerce déjà limité
En 2007, le pernambouc avait déjà été inscrit comme espèce protégée par une convention réunie à La Haye, et classé à l’Annexe II de la Cites. « Et aujourd’hui, on ne peut acheter que du bois dit ‘pré-convention’, c’est-à-dire du bois déjà déclaré et stocké en 2007. Depuis 2007, on ne peut pas reconstituer les stocks, car le Brésil n’a autorisé aucun quota d’exportation » , précise Arthur Dubroca, l’archetier. Les professionnels s’appuient donc sur les stocks existants, qu’une interdiction totale de circulation et de commerce – passage à l’annexe I de la Cites – rendrait plus précaire.

Les luthiers et archetiers sont depuis longtemps mobilisés sur la question de la préservation du pernambouc, tient à préciser Fanny Reyre Ménard : « Depuis plus de 20 ans, nous avons un programme de replantation qui est financé par les professionnels. Nous avons déjà replanté un peu plus de 300 000 plants de pernambouc, dont il est attesté que plus de la moitié sera réservée à la conservation de l’« espèce ».

Pour les syndicats, « c’est justement son utilisation pour la fabrication d’arcs qui représente une opportunité de préserver […] la consommation connue et régulière et à haute valeur ajoutée permettant une valorisation de la ressource est une incitation à temporiser la tendance à couper les forêts pour y faire , par exemple, l’agriculture intensive à la place. « Il faut aussi avoir une idée de la réalité de l’état de destruction de l’espèce, puisque les derniers comptages scientifiques datent de 1998 », ajoute Fanny Reyre Ménard. Qu’en est-il de la contrebande ? « Nous sommes convaincus que des contrôles des exportations plus stricts et plus efficaces – que nous sommes prêts à soutenir sans équivoque – seraient une réponse au commerce illégal de Pernambuco. »

Les professionnels ont donc les yeux rivés sur le Cites, qui se tiendra du 14 au 25 novembre au Panama. « En ce moment, notre grande préoccupation est de faire entendre le sujet par un certain nombre de ministères : celui de la Transition écologique, le ministère de la Culture, déjà prévenu, le ministère des Affaires étrangères et bien sûr le Premier ministre », précise Fanny Reyre Ménard. Mais si « la France siège en son nom, c’est l’Union européenne qui détient entre ses mains les 27 voix des pays membres ». Et si l’interdiction devait être votée, la décision s’appliquerait dans les 60 jours. D’autant plus injuste, selon les syndicats, « qu’un artisan archetier n’utilise pas plus d’un pernambouc dans sa vie ».

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