Rabais à la pompe et prix de l’électricité qui explosent pourraient faire douter les acheteurs potentiels de voitures rechargeables, mais pour les professionnels, la crise énergétique ne fera pas dérailler la transition vers une mobilité « zéro émission ».
Fin août, le prix de gros de l’électricité pour 2023 en France atteignait 1.100 euros le mégawattheure (MWh) contre 85 euros un an plus tôt, conséquence de l’invasion de l’Ukraine par la Russie mais aussi de l’indisponibilité des centrales nucléaires en France. .
Dans le même temps, début septembre, l’Etat a relevé la ristourne sur le carburant à la pompe à 30 centimes le litre, contre 18 centimes auparavant, pour soulager le porte-monnaie des consommateurs sur fond de choc inflationniste.
De tels chiffres « marquent forcément les esprits, donc ça peut interroger certains quant à la décision de passer à la mobilité électrique », concède Mathias Laffont, directeur « usages et territoires » à l’Union française de l’électricité (UFE), association professionnelle de la filière.
Ces derniers temps, l’engouement pour les voitures 100 % électriques n’est pas moins spectaculaire : de 2 % en 2019, elles sont passées à 12 % des immatriculations de véhicules particuliers neufs en France durant les huit premiers mois de 2022.
La croissance devrait s’accélérer compte tenu de la pression sur les véhicules thermiques, entre restrictions de circulation et interdiction de commercialisation d’ici 2035. Avec les hybrides rechargeables, la flotte de véhicules peut retrouver de l’autonomie en connectant au secteur un million d’unités.
Leurs utilisateurs seront-ils piégés par une explosion du prix des électrons ? En fait, les Français devraient être globalement protégés. Premièrement, « 80 % des recharges se font à domicile et au travail », note Clément Molizon, délégué général de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France).
Chez nous, le bouclier tarifaire s’applique et la hausse est jusqu’ici limitée à 4 %. Le gouvernement a promis que le dispositif resterait en place en 2023 et que la hausse serait « contenue et raisonnable par rapport à (le) scénario du pire », c’est-à-dire que les factures doubleraient.
« Même si on a une augmentation du prix de l’électricité, il y a une marge qui est assez importante. Chez nous, on est aux alentours de deux euros aux 100 km, quand en thermique on est entre 12 et 16 euros selon les performances des voitures », ajoute M. Molizon.
D’autant que certains fournisseurs proposent des tarifs dégressifs aux heures « hyper creuses », tard le soir ou tôt le matin, propices à la recharge des batteries à l’aide de bornes pilotées.
En revanche, la question des majorations commence à se poser pour les opérateurs de bornes de recharge publiques, sur voirie ou à proximité des commerces, et à des tarifs très hétérogènes, avec ou sans abonnement leur permettant de réduire la facture.
Certains points sont orientés « haut de gamme », notamment sur les grands axes, avec des puissances de plus de 50 kWh pour des recharges rapides, et leurs prix s’en ressentent.
Allego, qui revendique plus de 28 000 prises de recharge en Europe, a annoncé des prix du kWh augmentés de 15 à 20 % depuis début septembre dans plusieurs pays, dont la France.
Le début d’un mouvement général ? « On ne s’attend pas à de très grosses répercussions avant 2023 », répond Clément Molizon, par contre « il y a plusieurs contrats importants qui arriveront à échéance l’an prochain ». Et tous les opérateurs ne sont pas également exposés aux prix de gros.
EDF indique qu’il n’envisage pas pour l’instant d’augmenter les tarifs des bornes de recharge publiques exploitées par sa filiale dédiée, Izivia.
Et les constructeurs, comme Peugeot, dont la e208 s’est hissée en tête des ventes de voitures électriques en France, ou Renault, dont la Mégane e-Tech vient de sortir, se disent plutôt calmes : le choc pétrolier du printemps a attiré de nouveaux acheteurs. .
« Les gens voient le prix à la pompe, c’est quand même énorme » malgré les remises, note M. Molizon, de l’Avere-France.
Pour M. Laffont, « la pertinence du passage à la mobilité électrique doit s’apprécier sur plusieurs années », et les hausses du prix des recharges, tant qu’elles restent maîtrisées, « ne renversent pas la logique économique du passage à l’électrique ». ”.