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Paris 2024 : la parité, une ambition collective encore loin de la réalité du terrain

Aux Jeux de Paris en 2024, il y aura autant d’hommes que de femmes pour la première fois depuis 128 ans. Cinq médaillées olympiques se sont néanmoins souvenues pour Franceinfo : le sport sur l’écart qui demeure avec le sport masculin.
Pour la première fois depuis 1896, date des premiers Jeux olympiques de l’ère moderne, les JO de Paris réuniront, en 2024, autant d’athlètes féminines que masculines. Clin d’œil de l’histoire, c’était déjà dans la ville lumière, en 1900, que les femmes avaient pu participer pour la première fois aux Jeux. Elles étaient alors 22 (sur 997 participants). 124 ans plus tard, elles seront 5 250 sur 10 500 athlètes. Pourtant, cette avancée, aussi historique que tardive, cache une réalité moins fiable dans le milieu du sport en général.

« Une tromperie » même pour la sociologue du sport Catherine Louveau, professeure émérite à l’université de Paris Sud, qui y voit une confusion entre parité et égalité. « C’est non seulement une erreur par rapport aux faits constatés, mais c’est surtout un abus de langage », s’offusque-t-elle. « Notre voix n’est pas toujours considérée comme celle des hommes, abonde en son sens Allison Pineau, élue meilleure handballeuse du monde en 2009. On a parfois cette sensation d’être un peu moins écoutées. »

Une reconnaissance loin d’être impartiale
Le manque de considération et de reconnaissance ne défendra pas les sportives de haut niveau est ressenti au sein même des institutions. « C’est déjà arrivé qu’un homme soit nommé entraîneur national d’une équipe de France féminine et qu’il soit complètement dégoûté parce qu’il avait postulé pour entraîner les équipes masculines, se désole Sarah Daninthe, médaillée de bronze en escrime à Athènes en 2004. Pour avoir échangé avec plusieurs filles, ça arrive dans beaucoup de sports. »

Sarah Ourahmoune, pionnière de la boxe en France, s’est battue tout au long de sa carrière pour l’égalité. « Lors de mon premier combat en 1999, les gens étaient choqués de voir des femmes sur un ring, ils nous criaient dessus, ils nous insultaient. On ne voulait pas de nous », se souvient la médaillée d’argent olympique à Tokyo en 2016. Alors la parité aux JO 2024 est le symbole du « chemin » parcouru. Mais pas question de se laisser griser : « il en reste à parcourir » prévient la boxeuse française la plus titrée de l’histoire.

Une pression du résultat décuplée
Elle a raison de maintenir sa garde haute. La parité des sexes en 2024 ne donne aucune garantie aux femmes engagées dans des disciplines menacées de perdre leur statut olympique, comme la boxe, encore incertaine aux JO de Los Angeles 2028. « On est en danger, alerte-t-elle. Aujourd’hui, on est olympique, on a cette visibilité et cette protection que nous apportent les Jeux. Si demain on nous enlève ce statut, je pense que ce sera très compliqué pour tous ceux qui font de la boxe, et encore plus pour les femmes. Quand il y a moins de moyens, ce sont elles qui en pâtissent le plus. »

Avoir la chance de rester olympique implique de briller, comme le ressentent les handballeuses. « Depuis 2016, on a donné une mauvaise habitude au public, s’amuse Allison Pineau, médaillée d’argent à Rio en 2016 et d’or à Tokyo en 2020, championne du monde en 2017 et trois fois vice-championne du monde. Même en ayant beaucoup gagné ces dernières années, on est encore loin de ce que l’on mérite. On sait que si on ne réussit pas, on se tire un peu une balle dans le pied, on se handicape pour le futur. C’est une réalité : il va y avoir énormément de pression. »

La médiatisation progresse à petits pas
Pour assurer une place décente aux sportives de haut niveau, leur visibilité dans les médias est primordiale. En quatre ans, la proportion de sport féminin diffusée sur l’ensemble des chaînes télévisées françaises est passée de 3,6% en 2018 à 4,8% en 2021, selon une étude de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), dévoilée le 26 janvier 2023. « Ces chiffres sont quand même horrifiants, s’exaspère l’escrimeuse Sarah Daninthe. C’est la responsabilité du ministère des Sports de se pencher sur la question. Il faut impulser un changement dans la société. »

Si l’étude de l’Arcom indique que le volume horaire de la diffusion du sport féminin a augmenté de 50% depuis 2018, sa médiatisation reste encore très faible. « On se cache un peu derrière l’excuse que ça n’intéresse personne, souligne Mélina Robert-Michon, vice-championne olympique du lancer de disque à Rio en 2016. Mais si tu ne leur montres pas, ils ne vont pas être intéressés, c’est sûr. C’est bien beau de parler, mais rien ne vaut la puissance des images. »

Le tabou de la sexualisation
Et ce déficit de visibilité peut être d’autant plus accentué lorsque les sportives ne correspondent pas aux normes de beauté et de féminité standards de la société actuelle. « Elles sont obligées d’être sportives et féminines, explique la sociologue Catherine Louveau. En athlétisme, je remarque que certaines se maquillent, se mettent du vernis à ongle, portent des bijoux… J’ai même vu certaines filles s’excuser d’être en survêtement sur le terrain en expliquant mettre des jupes en dehors. Comme si elles avaient à se justifier auprès de leurs sponsors ! »

Une sexualisation très mal vécue par les principales intéressées. « Même si on n’en parle pas entre athlètes, on est toutes assez lucides face à la situation, reconnaît Allison Pineau. À travers des pubs que l’on voit à la télévision ou sur les réseaux sociaux, on s’aperçoit que l’attention du spectateur est plus grande dès qu’une femme est un peu plus découverte ou sexy. C’est une réalité, on n’est pas aveugles face à ça. »

Le contraste des athlètes handisport
En revanche, la parité ne concernera pas encore les Jeux paralympiques à Paris. La présidente du Comité paralympique et sportif français, Marie-Amélie Le Fur, s’en désole : « C’est quelque chose qu’on a évoqué et dont on est terriblement conscient. Quand on regarde les statistiques de notre équipe de France, nous avons seulement un quart de la délégation française qui est composé de femmes ou de jeunes filles. Il faut que ça change ».

D’après la triple médaillée d’or paralympique, les normes sociales restent un des principaux freins au développement du handisport. « Être en situation de handicap, c’est ne pas répondre à l’attente sociale d’un corps parfait, déplore-t-elle. Il faut agir contre ces stéréotypes qui freinent l’accès à la pratique sportive des personnes en situation de handicap, en particulier des femmes. »

En revanche, Marie-Amélie Le Fur avoue ne jamais avoir eu « l’impression d’être moins connue ou reconnue que [ses] homologues masculins. On souffre d’un criant manque de médiatisation dans le champ paralympique, mais il n’est pas renforcé lorsque l’on est une femme. » Parité sans égalité aux Jeux olympiques, égalité sans parité aux Jeux paralympiques, le paradoxe est total.

 

Source: www.francetvinfo.fr

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