Qu’est-ce que le Qi?

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En Médecine traditionnelle chinoise (MTC), la façon de concevoir la vie, la santé et la maladie, de poser les diagnostics et d’élaborer les traitements repose sur un a priori : l’idée spéculative que tout ce qui nous entoure et nous constitue est essentiellement le fruit d’une même composante fondamentale : le Qi (prononcer tchi). Ainsi, toute matière provient d’une condensation du Qi, même si le Qi lui-même demeure invisible. On peut dire que le Qi correspond à tout ce qui est perceptible mais intangible1.

On traduit souvent le terme par Énergie ou Souffle, traduction rassurante pour l’esprit occidental, mais qui comporte un certain préjugé. En Occident, le terme énergie renvoie à des phénomènes mesurables comme l’énergie électrique, électromagnétique, nucléaire, calorifique ou mécanique. Pour se rapprocher du sens oriental, il faut se tourner vers la racine grecque energeia (force en action) qui inclut la vitalité, la force physique ou morale, ainsi que la vigueur ou la puissance d’un organisme. On peut également penser au pneuma des philosophes grecs : le souffle de vie.

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Une autre façon de traduire le terme Qi est Énergie vitale. Cependant, le qualificatif vital doit ici être pris dans un sens large; dans la pensée chinoise, tout – les êtres vivants aussi bien que le monde inanimé – est habité d’une même Énergie vitale (qu’on pourrait, à la limite, associer au mouvement des ondes-particules élémentaires). « L’univers s’autocrée perpétuellement en une évolution constante (…) à partir d’un matériau unique, le Souffle primordial ou YuanQi, qui n’est ni matière, ni esprit ».

Le caractère chinois qui désigne le Qi exprime bien son double attribut : il représente de la vapeur s’échappant d’une céréale qui chauffe.

En bas, la botte de céréales suggère à la fois la base matérielle qui fait partie des manifestations du Qi ainsi que l’aspect nourricier nécessaire à la manifestation de la vitalité.

La partie supérieure, servant par ailleurs de forme simplifiée pour désigner le Qi, représente les vapeurs ou le fumet, et exprime la partie intangible et le mouvement ascendant de la transformation.

Le concept du Qi est intrinsèquement dynamique. Impossible même de l’imaginer immobile, comme sur une photo… il n’existerait plus. Il est changement perpétuel et transformation rythmée. Il se condense, se dissout, se concentre, s’étend; les manifestations à travers lesquelles il se révèle changent de caractéristiques, une forme s’intègre à une autre ou s’en sépare, il monte ou descend, le Qi est en mutation constante.

Appliqué au domaine médical, le concept de Qi représente à la fois :

  • l’activité fonctionnelle des différentes structures de l’organisme;
  • une substance d’échange entre ces structures;
  • le mouvement des émotions.

Par exemple, le terme Qi sert à désigner l’Énergie qui résulte de la transformation des Aliments (GuQi : le Qi des Aliments) ou de l’absorption de l’Air ( QingQi : le Qi pur ou le Qi de l’Air). Mais, la transformation des Aliments ou de l’Air en une nouvelle Énergie dépend de l’action de certaines structures viscérales. On ajoutera donc que le GuQi résulte d’un autre Qi, le Wei Pi ZhiQi, c’est-à-dire de l’activité fonctionnelle (ZhiQi) de l’Estomac (Wei) et de la Rate/Pancréas (Pi).

En ce qui concerne les émotions, on dira, par exemple, que l’Excès de joie dissout le Qi ou affaiblit le Qi du Coeur, ou bien que l’Excès de colère fait monter violemment le Qi vers le haut et obstrue les voies de la tête, ou encore que trop de soucis le fait stagner. Chaque émotion s’accompagne d’un mouvement particulier ou d’une Stagnation de l’Énergie, du Qi.

Les mille visages d’une même réalité

Le terme Qi est rarement utilisé seul en médecine chinoise, car ses acceptions comportent un champ sémantique trop large. Comme la plupart des mots chinois, son sens est souvent précisé par le contexte, et il est habituellement associé à une structure ou à une base matérielle particulière comme dans les exemples suivants :

  • ShènQi : l’activité fonctionnelle (Qi) des Reins (Shèn);
  • JingQi : la vitalité (Qi) qui s’exprime dans la croissance ou dans la sexualité, à partir des Essences (Jing) provenant des Reins, de la Moelle, du Cerveau et des Organes reproducteurs;
  • FeiQi : l’activité (Qi) du Poumon (Fei) qui permet entre autres la respiration et la production du Qi de l’Air.

Si l’action du Qi se situe dans plusieurs endroits du corps, on qualifiera ce Qi d’un attribut lié à sa fonction, à sa circulation ou à son origine. Par exemple, le YuanQi, qu’on traduit par Énergie originelle, est une Énergie générale qui soutient toutes les activités de l’organisme. Originelle signifie à la fois qu’elle provient de MingMen, la zone d’émergence de la vitalité située entre les Reins, et qu’elle est à l’origine de toute vitalité dans l’organisme, depuis la conception. Un autre exemple, le  YingQi est l’Énergie nourricière, celle qui circule dans les Méridiens, ainsi que sous forme de Sang, dans les vaisseaux. Cependant, le terme YingQi sert aussi à désigner les échanges nourriciers, le dynamisme rendu possible par la circulation et l’absorption des nutriments dans toutes les structures du corps.

Ce sont tous ces Qi, lorsqu’ils circulent près de la surface du corps, qui peuvent être mobilisés grâce à l’acupuncture; on les rassemble, les disperse ou les dirige pour établir un meilleur équilibre entre les différentes parties et les différentes fonctions de l’organisme.

Vous trouverez une description des principaux Qi, de leurs fonctions et de leurs pathologies dans la fiche Substances.

 Les Énergies correctes et les Énergies perverses

L’individu et son environnement sont perçus comme des amalgames, des « densifications » de Qi, qui seraient passés d’un état immatériel à un état matériel. Les Qi ont des dynamismes parfois complémentaires, parfois opposés, très souvent cycliques et prévisibles. Tous ces dynamismes, qu’ils soient internes ou externes, nous influencent et créent des interactions complexes avec nos propres systèmes organiques. On peut les regrouper en deux grandes catégories :

  • Les Énergies correctes, ZhengQi. Elles tendent à maintenir notre organisme dans sa spécificité, sa cohésion, son harmonie et son efficacité à agir. Elles agissent autant sur le plan physique que psychique.
  • Les Énergies perverses, XieQi. Elles tendent au contraire à nous agresser, nous détruire, nous intoxiquer, nous éloigner de notre intégrité physique et psychique.

En simplifiant, on peut dire que la maladie est un état de déséquilibre où la somme des Énergies correctes est prise en défaut par ce qui se révèle être des Énergies perverses. Une maladie aiguë est un état de lutte ou de mobilisation des Énergies correctes pour repousser les Énergies perverses. Un état chronique exprime habituellement une défaillance à moyen ou long terme des Énergies correctes qui ne parviennent plus à retrouver l’équilibre ou l’intégrité initiale des fonctions et des structures de l’organisme. Tout traitement peut se résumer à tonifier les Énergies correctes et à chasser les Énergies perverses, si elles sont présentes.

Vous trouverez de l’information complémentaire sur le Qi dans les sections Physiologie et Substances.

 La science et le Qi

Une des difficultés que rencontre la médecine chinoise dans ses efforts pour être reconnue par la communauté médicale occidentale est le rejet des théories sur lesquelles elle se base pour comprendre la maladie et intervenir.

Le concept oriental du Qi n’est pas accepté par la science moderne, sans doute parce qu’il désigne une Énergie unique et multiforme, tandis que la science observe et étudie des énergies et des fonctions distinctes qui, si elles peuvent s’influencer mutuellement, n’en demeurent pas moins considérées comme des entités séparées.

Ainsi, lorsque la science tente de comprendre l’action thérapeutique de l’acupuncture par exemple, elle veut observer ses effets isolés et spécifiques : sur la vasomotricité locale, le système nerveux périphérique, la moelle épinière, l’activité cérébrale centrale, la libération d’endorphines, la relaxation musculaire, etc. Plusieurs études démontrent certains des effets particuliers engendrés par l’acupuncture, mais elles ne sont jamais capables d’embrasser globalement les actions provoquées par la mobilisation de l’Énergie vitale. Elles ne peuvent non plus prendre en compte ce que les Chinois désignent par l’expression Xing Qi Shen Dong : « faire circuler le Qi et faire bouger l’esprit », les deux actions conjointement essentielles pour enclencher le processus de guérison. Il reste donc un fossé important entre les conceptions traditionnelles orientales, qui sont à la fois simples et holistiques, et les théories scientifiques beaucoup plus précises et plus complexes

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